Acte 3 Construction d'une vision politique de la culture à Marseille,

Publié le 23 juin 2025 à 18:06

Cette photographie, prise par Claude Nougier, photographe et animateur à la MJC Corderie, met en scène l’une des premières réalisations de l’Atelier Public d’Art, de Science et de Technique, fondé par Jean Irrmann au sein de la MJC. Elle présente une œuvre de deux plasticiens, Noury Lekal et Philippe Moute, qui fondera plus tard les ateliers Sud Side, désormais installés à la Cité des Arts de la Rue. Le projet initial de Jean Irrmann à travers cet atelier visait à intégrer des œuvres plastiques, plus ou moins éphémères, dans l’espace public.

Tableau 1 Comment le prix Goncourt a changé la donne

Dans la famille Charles-Roux, la petite fille

La rencontre entre Gaston Deferre et Edmonde Charles-Roux, la petite fille de Jules dont il a été question plus haut constitue un tournant fondateur.

« Gaston Deferre, en 1966, voulut rencontrer la belle marseillaise lauréate du prix Goncourt pour « Oublier Palerme ». Coup de foudre dans le bureau du maire. Trois jours après, Gaston était chez elle rue des Saints-Pères. Mais il était marié. Leur liaison fut clandestine pendant sept ans avant qu’il ne divorce et l’épouse. Elle a 52 ans »1.

Elle va transformer fondamentalement la vision que Gaston Deferre se fait de la Culture.

Elle fait venir à Marseille Roland Petit qui va monopoliser le secteur de la danse. Il constitue sa compagnie en recrutant les meilleurs éléments du corps de ballets de l'Opéra, ce qui entrainera le déclin de celui ci.

Ce corps de ballet comptait 40 interprètes, il a été dirigé par Joseph Lazzini qui s'est révélé à Marseille jusqu'à être invité au Métropolitan à New-York. Rosela Hightower lui succède et dirigera la troupe pendant 4 ans. C'est leur assistant, Pedro Consuegra, qui prendra la suite après avoir été mis à l'épreuve par la Direction de l'Opéra. Avec une équipe largement diminuée, Il montera de nombreuses chorégraphies et se battra pour la reconnaissance de Marius Petitpas, un célèbre chorégraphe originaire de Marseille. Malgré ses efforts le ballet s’arrêtera en 1991 après cela Nicole Leduc a été Directrice de la danse pour un an.2

Roland Petit quant à lui, après avoir occupé la salle des fêtes du Palais Carli avec sa compagnie connaitra la carrière internationale qu'on lui connait avec ses créations, créera l'école de danse qui obtiendra avec le ballet qu'il dirige un label National.

Années 70, Le rôle des Fédérations d'Éducation Populaire.

En cette décennie, la Ville de Marseille développe un programme important de constructions d'infrastructures socio-éducatives. Certaines sont conservées en gestion municipale, on les nomme à l'époque Maisons de quartier ou Unités d'Animation Sociale. Ces dernières sont les moins nombreuses, plus vastes et associées à une crèche. D'autres, les Maisons pour Tous ont vocation à être gérées par une Fédérations d'Éducation Populaire.

Frédéric Rosmini, alors directeur de la Fédération Léo Lagrange, convainc le Maire de ne pas « mettre tous les œufs dans le même panier » et bien que la Fédération Léo Lagrange obtienne la gestion de bon nombre d'équipements, d'autres sont confiés à la Ligue de l’enseignement appelée à Marseille les AIL, au CCO, et même une devient une Maison des Jeunes et de la Culture affiliée à la Fédération Française des MJC.

Comme la MJC Corderie, plusieurs de ces équipements donnent une place particulière à la culture avec Robert Roure et le Théâtre de Poche, Robert Badani de la la MPT de Bonneveine qui crée le Mini Théâtre avec Maurice Vinçon, Emile Dray qui dirige la salle Julien qui fait encore partie de la Maison Pour Tous du même nom, Michel Leroy des AIL...

Cette diversité servira de base à la création de l'Office Municipal de La Culture et des Loisirs.

1968, atterrissage d'un OVNI socio-culturel : la très fameuse MJC Corderie

Au début des année 70 cette MJC organisa « En juin c'est la fête à Silvain » marqué par des Light Shows réalisés par des jeunes qui la fréquentent. On retrouve encore aujourd'hui cette activité portée par un anciens membre sous le nom d'Android Light Show3. De très nombreux acteurs et actrices de la vie culturelle Marseillaise y feront leur première armes : les Corsino, Robert Cantarella, IAM, Alain Fournaud et Frédéric Ortiz, le Théâtre de la Mer, Bouldegom Théâtre... En transformant la fête du quartier en Festival Populaire du Quartier Saint-Victor dédié aux spectacles en plein air, la MJC fait la part belle aux arts de la rue précurseur de l'opération fondatrice de ce secteur artistique : la Falaise des Fous organisée par Michel Crespin dans le Jura. Elle joue ainsi un rôle de défricheur en amont de la dynamique associative des années 80 mentionnée plus loin. Elle sera à l'origine et soutiendra plusieurs initiatives culturelles comme la création de l'APAST (Atelier Public d'Art de Sciences et de Technique) qui deviendra une association autonome puis une SCOOP. Aujourd’hui dissoute mais dont une partie de l'activité subsiste au sein de l'Atelier de l'Évènement société d'événementiel. Il faut aussi mentionner l'association Régie Réponse dont il est question plus loin.

1: https://www.elle.fr/Loisirs/Livres/News/Edmonde-Charles-Roux-l-affranchie-3030401 

2 N° 253 de la Revue Marseille sur la Danse

3: http://www.androide-lightshow.com/bio%20francais.html

Cette photo, prise par Alfon Alt, immortalise l’effet pyrotechnique final du spectacle Flamb’eau, conçu et réalisé par l’Atelier Public d’Art, de Science et de Technique de la MJC Corderie, à l’occasion de la toute première Fête de la Lumière, organisée par la Direction de l’animation urbaine de la Ville de Marseille.

Extrait des entretiens avec Jean Irrmann Directeur de la MJC Corderie de 1969 à 1991

Tout commence en 1969, quand Jean Irrmann est enjoint à quitter la direction de la Maison des Jeunes et de la Culture qu’il dirige à Avignon suite à son engagement dans l’édition très mouvementée du festival en 68. Il choisit de s’installer à Marseille, « pour l’aventure » (sic),où il prend la direction de la MJC Corderie dans le septième arrondissement, aux abords du Vieux Port.

Comme toute MJC, la structure ouvre l’accès à des ateliers de pratique artistique pour le plus grand nombre. Mais Irrmann souligne l’esprit tout particulier avec lequel sont menées les actions de l’établissement : « On avait une éthique, un principe d’action, une façon de vivre la culture populaire. » De fait, cette philosophie transparaît dans la programmation : « On donnait la priorité aux jeunes, à l’inexpérience, aux jeunes groupes musicaux qui démarrent, aux jeunes compagnies de théâtre, et même à des jeunes sans compagnie du tout. Nous leur offrions la salle avec une petite régie qui marchait, un technicien, l’information aux journaux en plus de 500 ou 1000 tracts.»

Dans les années soixante-dix, la culture, loin d’être une priorité pour les élus locaux, ne bénéficiait que de subventions dérisoires. Dans le cas de la MJC, les aides publiques ne couvraient qu’à peine le salaire de son directeur. Mais qu’importe, l’énergie est là. Et avec elle le succès. Les locaux craquent littéralement. « Les mille adhérents que l’on avait parfois ne tenaient pas dans la structure, même alternativement. Alors on a eu envie de sortir. C’est la pauvreté qui vous met dehors, …/... parce que le dehors, ça ne coûte rien »,conclut Jean Irrmann, pragmatique.

Extrait du récit de Gilbert Ceccaldi : Le grand tournant de la MJC Corderie

En septembre 1974, après avoir vu à la télé un reportage sur le club photo de la MJC Corderie, par Maguy Roubaud, pilier de l’antenne à l’époque, j’ai proposé à mon ami Bernard d’aller voir si cela ne valait pas le coup de s’y inscrire pour confronter nos photos du labo du fond du jardin à celles d’autres photographes.

Nous-nous sommes donc pointés à la MJC, début 1975, un soir à l’heure de fonctionnement du club photo. Nous avons été accueillis par Gaby, un des responsables de l’activité. C’était un peu à la bonne franquette, il nous a montré le labo et proposé de nous joindre aux adhérents de l’activité qui se retrouvaient tous les samedis matin au Beau Rivage, bar tabac du Vieux Port avant d’aller s’exercer à la prise de vue le long des quais et dans les quartiers environnants tout en échangeant critiques et conseils.

A la MJC, je n’ai pas tardé à être repéré comme moniteur de colo et j’ai rapidement intégré l’équipe d’animateurs de l’activité enfance dirigée bénévolement par Maryse Bory et Claudette Benady.

Il était de tradition de travailler le projet de la Maison des Jeunes en organisant des week-ends d’échanges et de réflexion entre les bénévoles, animateurs et administrateurs. Chaque fois, cela se déroulait dans un lieu à l’extérieur de Marseille.

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Les textes complets des entretiens avec Jean Irrmann et du récit de Gilbert Ceccaldi seront publiés intégralement plus loin.

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