Entretien avec René Murat, Les débuts de l'Office Municipal de la Culture et des Loisirs

Publié le 7 juillet 2025 à 17:59

 

 

 

 

Voici le logo de l’opération Marseille en Fête, l’une des trois initiatives lancées par l’Office Municipal de la Culture et des Loisirs à sa création.

 

Les deux autres actions consistaient en interventions artistiques en milieu scolaire, correspondant alors au « tiers temps pédagogique » et aujourd’hui désignées sous le terme d’Éducation Artistique et Culturelle, ainsi qu’un dispositif de soutien financier aux associations culturelles.

 

La MJC Corderie était au cœur de ces actions, et quelques années plus tard, j’y ai également contribué lors de mon passage en tant que directeur du Centre d’Animation de Quartier Saint-Mauront.

Directeur de l'Office Municipal de la Culture et des loisirs – 1977-1986 propos recueillis par Gilbert Ceccaldi chez lui.

« J'ai été recruté à la Mairie en avril 1968, comme chef adjoint de cabinet du Secrétaire Général qui avait rang de préfet et que Defferre avait fait venir à la mairie de Marseille, probablement suite à des contacts dans son réseau politique.

Pendant six ans, j'ai été une des scribe s du Maire : je préparais les réponses aux lettres qu'il recevait. Par la suite, pour être titularisé, j'ai passé les concours de rédacteur, puis d'attaché et enfin de Directeur.

En 1974, j'ai demandé à être muté à l'opéra en tant qu'administrateur adjoint.

Je m'entendais très bien avec Marcel Paoli, un Radical de gauche, qui après voir été adjoint à l'éducation est devenu adjoint à la culture durant la troisième mandature de Deferre.

Je suis devenu directeur de l'OMCL en 1977, un an après sa création et je suis resté à ce poste jusqu'à ce que Robert Verheuge reprenne la direction, en 1986. C'est cette fonction qui me valu d'être nommé directeur de service.

Au moment de la création de l'OMCL, Marseille était encore une ville où il ne se passait pas grand chose, contrairement à Avignon et Aix par exemple qui accueillaient des festivals de théâtre et d'art lyrique en été. C'est dans le cadre de ma mission d'administrateur à l'opéra, que j'ai commencé à faire de la sensibilisation artistique en milieu scolaire et ce avant que Jack Lang le fasse quand il devint ministre de l'Education Nationale. L'ensemble instrumental et les danseurs de l'opéra intervenaient dans les classes. Le corps enseignant était très demandeur. Malheureusement, on ne pouvait toucher que cinq mille élèves alors que les écoles de l'agglomération en comptaient des dizaines de milliers.

Les musiciens et les danseurs de l'opéra avaient alors un contrat saisonnier de neuf mois,

Marcel Paoli a persuadé le Maire d'annualiser le personnel de l'opéra,

ce qui a permis de monter des créations spécifiques pour les Festivals Populaires de l'été. On présentait un ballet et une opérette dans chaque festival. A St Victor, Jean Irrmann proposait une programmation complète et invitait des compagnies extraordinaires.

Il faut aussi citer les années 80 et les programmations réalisées par Maurice Vinçon pour le festival des iles ainsi que les « Nuits Blanches pour la Musique Noire » inventées par Bruno Maillol qui est à l'initiative de la découverte de nombreux artistes Africains, en particulier du sculpteur Ousmane Sow dont il a organisé une exposition à la Vieille Charité

La Décentralisation Musicale a fonctionné de 1979 à 89. Jusqu'à la mort de Deferre en 86, c'était assez simple. Ensuite, Robert Vigouroux a pris la relève et par l’intermédiaire d'Edmonde Charle-Roux, a fait venir Dominique Wallon, issu de l'inspection des finances, qui a tout de suite obtenu le doublement du budget culture, ce que Marcel Paoli n'avait jamais réussi à obtenir. Il faut dire que Maitre Paoli était sur les listes de Michel Pezet, ce qui lui a probablement valu une certaine disgrâce.

De 1986 à 89, Hervé Mariotti, qui était fonctionnaire, a pris en charge toute la culture sous la direction de Dominique Wallon, sauf la musique – le conservatoire, l'opéra- dont Marcel Paoli a conservé la gestion. Celui-ci a fait voter, pour régulariser mes actions la création du poste de « Directeur de la Décentralisation Musicale ». Toutefois, il n'avait pas précisé que je serai sous l'autorité de l'administrateur de l'opéra, ce qui m'a fait perdre le lien direct que j'avais avec Paoli.

Nous avons fonctionné sur ce mode jusqu'en 1989, année du bicentenaire de la révolution fêté en grande pompe et au cours de laquelle Vigouroux a gagné les élections en remportant tous les secteurs.

À l’occasion de la parade organisée sur la Canebière pour les 20ans de Festival de Marseille, une performance de danse voltige a été présentée sur la façade de la Maison du Figaro, à l’intersection de deux axes majeurs de la ville : l’axe historique Nord-Sud – dont les cours Belsunce et Saint-Louis constituent la séquence phare – et la Canebière. Cet immeuble a abrité pendant près de dix ans l’Espace Culture, dernier avatar de l’Office municipal de la culture et des loisirs, dissous peu de temps après.

Entre temps, j'ai été mis sur la touche, sous prétexte que j'étais l'espion de Paoli. Et Robert Verheuge a pris la Direction de l'OMCL en 87, reprenant toutes les fonctions que j'avais occupées, dont celle de conseiller musique auprès du Maire.

En 1993, j'ai été nommé observateur à la cité de la musique, sous la direction de Mireille Courdeau, qui a été à l'initiative du CPMA (Centre provençal de Musique et d'Animation), école municipale de musique accueillant plus d'élèves que le Conservatoire National.

Après l'élection de Gaudin comme Maire en 1995, Robert Verheuge et Mireille Courdeau ont été congédiés avec un dédommagement conséquent, puis a suivi une grève des personnels à la Cité de la Musique, certains ont même fait la grève de la faim.

De mon côté, j'ai fait valoir mes droits à la retraite progressive et été réaffecté à la DGAC en 1997 comme conseiller à la musique et à la danse.

Peux tu évoquer ce que vous faisiez à l'OMC, en plus des actions en milieu scolaire ?

L'office était une structure particulière, car municipale – sans frais de fonctionnement propre par exemple car j'étais fonctionnaire et payé par la ville, intégrant une large part associative sous la gouvernance de son conseil d'administration. Situation qui se révélera illégale avec la loi sapin de 1994 interdisant aux fonctionnaires de diriger de telles associations.

Marcel Paoli et moi-même soutenions une vision maoïste de la culture : faciliter son accès au plus grand nombre. Nous avons essayé de créer des théâtres dans tous les arrondissements, l'exemple type était le Bompart, un ancien cinéma dans le septième arrondissement. À la Joliette, nous avons soutenu le développement de la Minoterie... Nous voulions aussi sensibiliser les élèves à la musique, provoquer le déclic « Ah que c'est beau ! » et les encourager à participer au concert de l'Ensemble Instrumental de Provence.

Enfin, par une politique de bas tarifs, on favorisait l'accès du plus grand nombre aux spectacles, ce qui ne permettait pas d'amortir les productions, notamment les opéras, mais permettait d'attirer le grand public. Par exemple, en 1986, une place au Borely coûtait 15 francs.

Quels seraient d'après toi les artistes les plus marquants à Marseille ?

Je suis fier d'avoir présenté un opéra de jeunesse de Verdi qui n'avait jamais été joué en France : « Un jour de Règne » qui avait été un échec en Italie compromettant la carrière du compositeur

Les festivals populaires ont permis de montrer de grands artistes d'opéras, comme Pedro Consuégra qui, après l'arrivée de Roland Petit, se retrouvait sous-employé car les metteurs en scène supprimaient les ballets des opéras .

Grâce à Edmonde Charles-Roux, il y a eu l'Orient des Provençaux, 13 expositions présentées simultanément dans plusieurs lieux.

L'Opéra occupe une place à part dans le champ des arts et de la culture à Marseille il est lié à une population italienne importante adepte du « bel canto ». Quand Louis Ducreux a dirigé l'opéra1 , il a monté des opéras contemporains qui n'ont pas du tout eu de succès. Pour les Marseillais l'opéra, c'est le « Bel canto », le lyrique Italien.

A l'opéra, j'ai vu des bordereaux de recettes avec 2000 places vendues, alors que la salle en comporte 1800, car à l'époque on pouvait vendre des places assises sur les marches des escaliers, ce qui n'est plus possible aujourd'hui avec les normes de sécurité.

Lors de son premier mandat de maire de Marseille, en 1953, Gaston Defferre avait fermé le Théâtre Sylvain où j'allais avec mes parents dans mon enfance. Il autorisa la construction de barres d'immeubles au dessus du site, ce qui excluait l'usage de cet espace à des fins événementielles. Marcel Paoli et moi-même avons été les premiers à organiser du lyrique en plein air, mais pas à Sylvain.

 

Sur mes 32 ans de fonction, mes dix années à l'office sont les meilleures années de ma carrière.

 

1nommé par André Malraux entre 1961et 1965 puis de 1968 à 71, il a fondé le Rideau Gris, troupe de théâtre, l'une des premières troupes de décentralisation existantes en France, et qui est probablement à la refondation d'une dynamique théâtrale à Marseille.

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