
A gauche, le Variété, aujourd'hui cinéma, fut à l’origine le Casino Musical, premier grand café-concert marseillais, inauguré en mai 1856. Il devint Les Folies Marseillaises en 1878, puis le Théâtre des Variétés, inauguré le 8 octobre 1887, se consacrant alors principalement à l’opérette et au vaudeville. De cette époque, il nous reste aujourd’hui la façade ornée de médaillons représentant Alexandre Dumas et Jacques Offenbach.
A droite, le 75, rue François-Davso a successivement abrité un Alhambra lyrique nommé Théâtre de l’Auberge de la Rose, puis le siège du journal Le Petit Provençal, devenu plus tard Le Provençal. En façade, une lyre en bas-relief rappelle ce passé.
Ci dessous, rue du Théâtre-Français, face au théâtre du Gymnase, cette imposante façade de style XIXe siècle est très probablement l’entrée des artistes du Palais de Cristal, un music-hall où se sont produits de nombreux artistes célèbres, dont Joséphine Baker.

Quand la Canebière ressemblait à Broadway
« La Canebière est glorieuse d'un rayonnement qui égale à peu de chose près celui du célèbre boulevard new-yorkais »1
Quand il est question de music-hall à Marseille on parle surtout de l'Alcazar car c'est celui qui a tenu le plus longtemps, mais il a eu de nombreux concurrents de taille. Le Palais de Cristal qui dans sa dernière configuration est passé de 2000 à 5000 places et où Joséphine Baker se produira plusieurs fois avant sa fermeture : une foule de fans l'attendait après chaque représentation à la sortie des artistes rue du Théâtre Français en face du Gymnase. Au 138 de la Canebière, l'Apollo devient le Chatelet puis le Grand Casino et enfin Le Capitole, music hall de 2000 places, les Fantaisies Féeriques avec 2 salles de 400 places et diverses attractions à l'angle du Bd Garibaldi et de la Canebière... La plupart des vedettes nationales de la chanson y ont fait leurs classes devant un public réputé redoutable et exigeant.
D'autres lieux ont traversé l'histoire en subissant de nombreuses transformations : l'Odéon qui fut tour à tour music-hall, cinéma, maison de l'image, et enfin théâtre municipal, le Variété qui fut casino Musical, théâtre puis Music-hall avant de devenir un cinéma d'art et d'essais...
Le Cinéma et ses premières séances payantes :
6 mars 1886, la première projection de cinéma payante à Marseille a lieu dans un salon de l’Hôtel Louvre et Paix au 3 rue Noailles (53 la Canebière). Alors que dans la capitale les débuts furent difficiles, à Marseille le succès est immédiat. Le cinéma s'impose dans tous les lieux de spectacle comme attraction de complément. En moins d'un demi-siècle il devient l'attraction principale et les music-hall se transforment en cinéma ou disparaissent. Des salles ouvrent progressivement dans tous les quartiers, certaines ont plus de 1000 places, comme le Palace Saint-Lazare au 4 rue Hoche dans le 3e arrondissement. En 1960 on dénombre 105 écrans répartis dans la ville.2
L'effet Big Band, quand le jazz est là
1917 Le jazz débarque à Marseille et influence les productions musicales locales.
« ...les soldats (américains) passent et stationnent à Marseille. Parmi eux, de nombreux afro Américains qui assurent la logistique de guerre . Quand l'occasion s'y prête ceux qui sont musiciens , assurent défilés et accompagnement de détente …/...
Avec le ragtime à paillettes de Gaby Deslys, qui va bientôt triompher au Grand Casino sur la Canebière, les sons de la Nouvelle Orléans arrivent donc directement aux oreilles des Marseillais, aussitôt des musiciens locaux s'en emparent. »
« Le jazz y débarque (à Marseille) comme le tango, naissant, ou le musette chanté par les accordéons lombards. Il envahit le music-hall de haute tradition Marseillaise... »3
Ainsi les opérettes marseillaises seraient peut-être les filles naturelles de la Pastorale et du Jazz (en passant par les revues marseillaises).
Le temps béni des colonies.
Marseille est fortement marquée par cette période4 qui transparait encore dans les noms de rue, de nombreux bâtiments comme les sièges des compagnies maritimes, des sculptures dans l'espace public à l’instar de celles qui trônent aux pieds des escaliers de la gare.
On notera en particulier la fresque qui orne le balcon du Palais de la Bourse avec Marseille en majesté au centre entourée de part et d'autre par les représentations des matières premières et denrées en provenance des colonies d'Afrique et d'Asie.
Il reste peu de traces des expositions coloniales de 1906 et 1922 en termes d'infrastructures culturelles, si ce n'est le Palais des Arts du Parc des expositions à l'origine Pavillon de Marseille et de la Provence destiné à être conservé pour abriter le musée du Vieux Marseille transféré ensuite à la Maison Diamantée fermée en 2009 dont les collections sont maintenant au musée d'Histoire.
Il y eut aussi l'Institut et le Musée Colonial d'abord installés Bd des Dames, transférés 5 rue Noailles avant d'être démantelés au début des années 60. Une petite partie de la collection est toujours conservée dans une salle du bâtiment de sciences naturelles de la Faculté St Charles. Des pièces ont rejoint le musée du Quai Branly, d'autres le MAAOA, Musée d'Arts Africains, Océaniens et Amérindiens installé à la Vielle Charité. Certainement de nombreuses pièces des fonds des Musées de Marseille proviennent de collections léguées par des négociants ayant fait fortune à l'époque des colonies voire du commerce des esclaves.
1: Marseille sur Scène, Jean Bazal, Marcel Baudelaire, Adrien Eche
2: https://www.marseille.fr/sites/default/files/contenu/Revue-Marseille/revue-228/HTML/index.html#6
3 in A fond de cale 1917-2011 Un siècle de Jazz à Marseille, Michel Samson et Gilles Suzanne
4Guide du Marseille Colonial Editions Syllepse-Paris, La Courte Echelle Edition Transit Marseille
Photo 1 et 2 – En haut :
Les colonnes du théâtre Athéna, encore debout il y a quelques années, se sont finalement effondrées.
Photo 3 – En bas :
Le théâtre Silvain pendant le festival Caravanserail, organisé par la Cité de la Musique en partenariat avec la Maison du Chant, Art & Musique et MCE L’Éolienne.
Des théâtres à ciel ouvert
En 1907 Paul Barlatier directeur du journal marseillais Le Sémaphore, fait construire le Théâtre Athéna Niké dans une zone boisée du 13eme arrondissement dans le quartier de Château Gombert. C'est un théâtre de plein air en béton sur un modèle inspiré des théâtres grecs et du temple de la déesse Athéna sur l'Acropole. La scène est vaste, les gradins peuvent accueillir 1500 spectateurs, la programmation ambitieuse. Il est très fréquenté mais le public va diminuer pendant la 1er guerre mondiale et le théâtre sera abandonné entre les deux guerres. Au début des années 70, l’ASSENEMCE (Association de Sauvegarde des Sites et de l’Environnement au Nord Est de Marseille et Chaîne de l’Etoile) découvre le lieu. L'association obtient l'autorisation de débroussailler le terrain puis la protection du site au Plan d'occupation des sols. La ville en fait ensuite l'acquisition le protégeant ainsi des promoteurs. Au début des années 2000, le label patrimoine du XX e siècle est attribué au lieu et des perspectives de réhabilitation sont envisagées. Toutefois une étude d'impact en termes de nuisances sonores met fin à ces intentions car le parc est maintenant entouré d'habitations qui y seraient exposées.
En 1923, le relais est pris par le Théâtre Silvain. D'une jauge de plus de 4000 places, il est construit au fond du Vallon de la « Fausse Monnaie ». Ses promoteurs sont un couple de sociétaires de la Comédie Française Louise et Eugène Sylvain sur un terrain acheté par Dominique Piazza l'inventeur de la carte postale. Comme le précédent, il est construit sur le modèle d'un théâtre grec sur les plans de l'architecte Jean Boet qui avait déjà réalisé les plans de celui du 13e arrondissement. Il est construit en réemployant des matériaux ayant servi à l'exposition coloniale de 1922. La Ville l'a acheté en 1941 sa programmation est discontinue et génère pas mal de soucis de voisinage. Il est quasiment désaffecté pendant le dernier quart de XXème siècle. Il est rénové en 1999, depuis, en tant qu'équipement dépendant de la mairie du 1er secteur, il accueille certaines représentations estivales de plusieurs festivals marseillais et quelques productions indépendantes.
A la fin des années 80 un autre théâtre de verdure dépendant de la Mairie du 8e Secteur voit le jour. Un amphithéâtre de 1200 places ouvre dans le Parc Billoux situé dans le 15eme arrondissement. Il accueillera pendant plusieurs années, un festival de blues organisé par la mairie de secteur. Ces derniers temps sa programmation est similaire à celle du théâtre Silvain.
De Fortunio aux Cahiers du sud1
Fortunio, revue quelque peu potache fondée en 1914 par un groupe gravitant autour du Lycée Thiers, mené par Marcel Pagnol, étudiant en hypokhâgne, et Jean Ballard, bachelier en mathématiques, deviendra Les Cahiers du Sud en 1925 sous la houlette de ce dernier. Publiée jusqu'en 1966, cette revue littéraire, artistique et dramatique a joué un rôle indéniable de découvreur publiant avant l'heure des auteurs encore méconnus comme Althusser, Deleuze ou Le Clezio. La revue a aussi contribué à sortir de l'isolement des écrivains régionaux en les accueillant dans un grenier au N° 10 du quai du Canal devenu cours Jean Ballard leur offrant considération, espace de rencontre et d'expression.2
Ainsi pendant plus de 50 ans, sans se départir de son ancrage méditerranéen, cette revue a développé en ouvrant ses pages à de nombreux auteurs méditerranéens, un contrepoint méridional à l'intelligentsia littéraire parisienne. Les archives de la revue constituent le cœur des Fonds Littéraires Méditerranéens de le Bibliothèque de l'Alcazar. Une exposition lui a été consacrée en octobre 1993 à la Vieille Charité.
Une compagnie précurseur de la décentralisation
Fondée en 1931 comme troupe amateur par un professeur d'anglais, Henri Fluchère, et un de ses élève, Louis Ducreux, Le Rideau Gris s'est progressivement transformé en troupe professionnelle se revendiquant « club théâtral d'avant-garde ». Dès 1932, sa réputation appuyée sur un style nouveau se démarquant des pratiques théâtrales ordinaires, dépasse les limites de Marseille. Professionnelle à partir de 1935, la troupe passe un contrat avec le Théâtre du Gymnase où elle se produira régulièrement. En 1933, André Roussin rejoint l'aventure et codirigera le compagnie jusqu'en 1937. Cette année-là, son style très particulier qui ne craignait pas d'aborder de manière burlesque des sujets graves et sérieux a conduit la compagnie jusqu'à la comédie des Champs Elysées. Elle est remarquée par Jean Zay alors Ministre de l'Éducation Nationale dont dépend le secrétariat d'État aux Beaux-arts qui considère important de subventionner un tel travail théâtral. A contrario, la troupe ne sera soutenue que très ponctuellement par sa ville d'origine. En 1941, le directeur du théâtre des Célestins propose à Louis Ducreux d'installer sa troupe à Lyon, c'est la fin du Rideau Gris qui devient la Comédie de Lyon3. Mais il reviendra à Marseille pour diriger l'Opéra de 1961 à 1965 et de 1968 à 1971.
Le tremplin de l'Expo Universelle de 1931 à Paris
Pagnol et Alibert y lancent le théâtre et l'opérette marseillaise, Pagnol y présentant son théâtre ethnique méridional et Alibert la tradition du spectacle méditerranéen.
Cette opération a été précédée de la montée à la capitale de plusieurs artistes méridionaux qui vont acquérir une réputation certaine tout en gommant leur accent du sud pour éviter les réactions critiques à leur égard. Plusieurs théâtres de la capitale sont aussi gérés par des personnes originaires du midi. Tout cela aboutira en 1932 au succès remarquable au théâtre Montmartrois : le « Moulin de la Chanson » de la «Revue Marseillaise» de René Sarvil, Mas Andres et Marc Cab sur des musiques de Vincent Scotto, Sarvil, et Georges Sellers. Le décor final de cette Revue d'une manière très symbolique était une représentation de la Basilique Notre Dame de la Garde sur la montagne Sainte Geneviève en lieu et place de celle du Sacré Cœur. Elle restera 6 mois à l'affiche1 .
Les péripéties de la 2e Guerre Mondiale
Lily Pastré accueille les artistes juifs dans sa villa Pastré et soutient le journaliste Varian Fry qui en accueille d'autres avec le « Centre Américain de Secours » dans la villa Air Bel à la Pomme détruite en 1986.
Le cinéma de Pagnol et les opérettes marseillaises du trio Scotto, Alibert, Sarvil, entre autres, se développent.
Mais après-guerre, il y a un passage à vide. Pagnol a revendu ses studios plutôt que de les mettre au service de l'occupant. Les opérettes pâtissent d'un manque d'interprètes masculins suite à la guerre et sont très critiquées pour leurs représentations caricaturales des méridionaux et des Marseillais.
1 La véritable Histoire de l'Opérette Marseillaise, Georges Dicrescenzo
1https://journals.openedition.org/rives/4862
2https://fresques.ina.fr/sudorama/fiche-media/00000000098/les-cahiers-du-sud.html
3http://www.regietheatrale.com/index/index/thematiques/auteurs/Roussin/andre-roussin-2.html
https://fr.wikipedia.org/wiki/Compagnie_du_rideau_gris , Revue Marseille N° 171
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